Katâyoun Rouhi, née à Shiraz en Iran, est une peintre française d’origine iranienne. Elle vit et travaille en France depuis 1985, et est aujourd’hui basée à Issy-les-Moulineaux.

Diplomée de l’école des Beaux Arts de Paris en section peinture à l’atelier Pierre Carron, les origines de son intérêt pour les représentations et les images remontent sans doute à sa petite enfance, lors de ses voyages en voiture à travers l’Iran où à chaque halte, elle s’émerveillait devant les murs peints des relais routiers entièrement recouverts des scènes de la mythologie persane, avec ses héros religieux ou mythiques. Plus tard, elle sera marquée par le premier long métrage de Abbas Kiarostami, Le Passager, ainsi qu’une représentation sur les ruines de Persépolis du ballet Golestân de Maurice Béjar, finissant de dessiner en elle son désir de devenir artiste.

Adolescente, elle s’inscrit aux cours de dessin de l’atelier du peintre Gholam Hossein Saber à Shiraz, où elle développe sa volonté de se consacrer à la peinture, ce qui la guide jusqu’aux Beaux-Arts de Paris en France. En parallèle, elle s’intéresse à la philosophie de l’art et entreprend des recherches universitaires sous la direction de la philosophe et poétesse Geneviève Clancy et en 2003, elle obtient son Doctorat en Esthétique et Sciences de l’Art à l’Université Panthéon-Sorbonne. Sa thèse est publiée en 2010, intitulée L’Onthologie du lieu, Voyage au pays du « non-où ».

Aujourd’hui consacrée entièrement à la peinture, au dessin et à la poésie, elle a participé à de nombreuses expositions personnelles et collectives, en France et à l’international. Son travail est représenté par la Galerie Lilia Ben Salah à Paris ainsi que par la Shirin Gallery à Téhéran en Iran.

En 2022 elle participe à l’exposition Silsila à l’Institut des Cultures de l’Islam à Paris, ainsi qu’à la grande exposition des artistes du monde arabo-musulman de la Soas Gallery de Londres, The Future of Traditions, Writing Pictures, en 2023. Prochainement, la Zürcher Gallery de New York accueillera son travail pour l’exposition 100 women of spirit, en mai 2025.

Son travail se voue à interroger la place de l’être humain au travers de la mémoire, de la nature et du temps, suivant comme concept la notion de l’apparent et du caché, élément premier de l’esthétique de l’art iranien.

L'Arbre

Si je caractérise mon travail par la figure de l’arbre, ce n’est pas pour un plaidoyer simpliste à l’écologie. Je soutiens l’idée de la présence de l’arbre comme ce qui existe « en soi et pour soi ».

L’Arbre pour moi, évoque le monde imaginal et le mont de GhafSimorgh se niche… ce même Arbre, unique adresse, qui est le seul repère laissé par Sohrab Sepehri afin de retrouver la maison de l’Ami.

Comme dit l’artiste britannique Antony Gormley: « Il est difficile de trouver un morceau du monde qui ne soit pas connecté à l’arbre ou à l’ombre qu’il porte. »

L’esthétique de l’art iranienne en général et dans sa peinture en particulier, est basé sur la représentation d’un monde caché, qui serait censé montrer dans son aspect apparent le mystère de cette part dissimulée qui nous échappe; l’Arbre, est l’apparent de ce monde mais son véritable sens est ce qui renvoie au mystère de ce qui ne peut être vu.

L’arbre, n’est pas simplement la présentation d’une simple vie de plante. Il est ce qui lie le sol, donc l’horizontal, au sous terrain invisible, l’anté-horizontal au ciel infini, donc le vertical et même au-delà, au post-vertical.

L’arbre est là pour rappeler que la lumière « est » ; et la lumière est causa sui….cause d’elle-même.     

L’arbre des miniatures persanes, au-delà de la symbolique des jardins du paradis, est le symbole de la réalisation des deux mondes ; là où le sensible et l’intelligible se rencontrent. Le « non-où » de la philosophie de l’Orient, est là où le Simorgh d’Attar se trouve perché sur l’Arbre. Le mont Ghaf de Attar est le Na Koja Abad du philosophe des lumières Sohravardi. L’Arbre du mont de Ghaf, n’est pas seulement le support qui soutien le Simorgh. Les oiseaux d’Attar partent de l’arbre où l’annonce de la quête a eu lieu ; et reviennent se poser sur l’arbre où la quête s’est vue réalisée !

L’arbre porte et transporte. Il est l’endroit où le Soi se réalise. L’Homme d’Attar,  symbolisé par l’oiseau, part de l’Arbre et devient l’Arbre. Et c’est enfin la Lumière, posée sur l’arbre qui révélera « les trente oiseaux » (littéralement Si-morgh) en tant qu’ultime accomplissement de l’existence, déployés sur l’Arbre. L’Homme sera enfin accompli sur le chemin de devenir, que quand il découvrira dans sa projection, la superposition de la Lumière avec lui-même dans l’ombre de l’Arbre.

C’est ainsi que prendraient leurs sens, les trois piliers de l’esthétique persane : Beauté, Amour et Nostalgie.

Si l’Arbre symbolise depuis des siècles la nature qui relie dans sa verticalité l’homme au cieux, il est non seulement le symbole, mais la Nature elle-même. La « Nature naturante » dont Spinoza dirait qu’elle donne littéralement « Vie ».

Alors si la projection de la vie dans le futur, est la condition de pourquoi vivre de l’instant présent, il n’y a que la Lumière, qui dans Sa projection crée l’ombre de l’arbre afin que l’on puisse se sentir vivre... 

 

THE TREE "Causa sui"

I have not chosen the figure of the tree specifically, as a tribute to ecology. I sustain the idea of the tree's presence, as something existing "in itself and for itself".

As the british artist Antony Gormley put it: it is difficult to find a piece of the world, not connected to the tree or to its cast shadow.

The aesthetics of iranian art in general and of his painting in particular, are based upon the representation of a hidden world, supposed to reveal the concealed character of this mysterious and elusive lot. The Tree is obviously apparent, but its true meaning takes us back to the mystery of the unseen.

The tree is not the present representation of a simple plant's life. It is a link between the ground, horizontal by nature, and the invisible underneath, between the ante-horizontal and the infinite sky, verticality and post-verticality above.

The tree is here to recall that the light "is". And the phenomenon of Light is causa sui... its own cause. The tree encountered in persian miniatures goes far beyond the symbolic of gardens of paradise. It is the symbol of the conceptualisation of two worlds, where the sensitive and the intelligible meet. The "not-where" transmitted by oriental philosophy is where we find Attar's Simorgh: perched on a Tree. Attar is the Na Koja Abad, propagated by the philosopher of lights, Sohravardi.

The tree supports and transports. It is the place where one comes to terms with oneself.  Man will only be accomplished on the way to becoming, when he discovers in his projected shadow, light and himself brought together in the shadow of the tree. The three pillars of persian aesthetics, Beauty, Love and Nostalgia, would find their meaning there.

The tree, having symbolised nature for centuries,being a link between man and the sky, thanks to its verticality, is not only a symbol but nature itself. As Spinoza would say, this "naturing nature" brings "life", literally.