Ma première rencontre avec l'objet animé a eu lieu en 1986, dans un cours de mimes corporels où nous cherchions « l’instant magique », moment troublant où l’objet, mis en mouvement par le corps de l’acteur, semble soudain avoir une vie autonome. C’est ainsi que m’est apparue la marionnette, dans son essence la plus rudimentaire.
J’aime les paysages et univers imprévus qui s’offrent à moi. Ils sont multiples et récurrents. Faits de rencontres, de créations, de voyages. Mon métier m’apprend à apprivoiser la peur du vide. Nos oeuvres ne sont pas éternelles, elles appellent le renouveau.
Mon parcours professionnel m’a amené à rencontrer des artistes singuliers, à me frotter à des univers étrangers, à collaborer à des projets qui n’étaient pas toujours les miens.
Après une formation de mimes corporels à Paris, j’ai apprivoisé l’art de la marionnette à Charleville Mézières.
Diplômée en 1990 de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette, je débute ma vie professionnelle en m’associant aux projets de plusieurs compagnies (Théâtre du Mouvement, Théâtre aux Mains Nues, Théâtre du Chemin Creux, Compagnie Arrt, Compagnie Hervé Diasnas,…)
En 1996 La Compagnie Agitez Le Bestiaire voit le jour et avec elle une nouvelle façon de me positionner dans mon travail. l’objet, la matière et l’espace seront dorénavant à la source de l’écriture théâtrale.
Co-auteur des spectacles d’Agitez Le Bestiaire, j’ai toujours été réceptive aux rencontres fortuites et aux amitiés durables. Le JE devient NOUS au sein de la compagnie, outil formidable traversé par des mondes si divers et variés. 

Bidouillant depuis quelques années avec du fil et toutes sortes de matériaux à entortiller, je me suis amusée à créer des bestiaires de foin, en glanant l'herbe sèche après les fenaisons. Je tordais, ligotais, formais des personnages hybrides nés au milieu des champs. Des oiseaux sont apparus dans mes mains, puis de longs cous d'échassier. Un jour d'été la première grue d'une longue série qui allait venir par la suite, s'est posée dans l'eau d'un bief. De fil en aiguille, de rencontre en partage, les grues ont prospéré et sont devenues nombreuses.
En cherchant a posteriori ce que cela pouvait bien signifier, je me suis rendu compte que cet oiseau portait en lui une symbolique qui me parlait plus que ...l'avion. Finalement on ne sait jamais vraiment ce que l'on sécrète en secret.
J'ai découvert un volatile qui m'inspire, un véhicule céleste qui me fait rêver à des voyages infinis. Un oiseau fidèle à ses premières amours, accomplissant dans une danse époustouflante un dialogue  d'une rare intensité. 

J'attends le jour où mes grues de foin déploieront leurs ailes pour entamer le voyage, l'aller et le retour, validant ainsi le cycle de la vie par leur migration.

Comme elles,  j'éprouve la nécessité d'accomplir ces voyages pour nourrir les besoins fondamentaux de mon existence. Un mouvement naturel, inné,  comme une respiration, fait d'aller et de retour.

J'aime installer mes oiseaux dans le paysage, leur faire prendre l'aire au bord de l'eau. J'aime le duo, le trio et l'effet du nombre.

À l'état sauvage, elles sont des milliers à se rassembler, se divertir, se courtiser.  Dans le ciel elles dessinent des vortexes dont elles s'échappent par petites bandes, en poussant toujours le même cris « grugrugrugrugru ». On dirait qu'elles ne connaissent qu'un seul mot, celui par lequel on les nomme.

Les miennes se sont immobilisées dans une posture que je cherche à rendre naturelle.

Leurs longues tiges de graminés ont l'apparence de plumes.  Animal et Végétal se sont confondu, assemblé dans une danse statufiée d'oiseaux empaillés.

Mais  leurs interactions créent du mouvement. Parce qu'elles sont deux, trois ou plus encore, l'espace entre leur corps s'anime. Eh oui elles dansent !